Le vent souffle sur la plaine, créant le remous sur le ruisselet et balayant les quelques feuilles mortes d'un automne plus long que d'ordinaire, au devant d'un hiver exceptionnellement doux. Les poissons frétillent en dévalant le cours en direction de leur lieu de reproduction, en aval. Déjà, le soleil quitte sa demeure voûtée pour s'engouffrer dans l'abîme noir et tapisser le monde d'un voile sombre. C'est alors qu'en fracas d'une nature esseulée s'approcha un jeune homme en monture, au pas léger et aux traits détendus, tout désireux de gagner le castel des Leslur ; de gagner son logis et les siens. Hélas, des semaines à airer dans les rues de la capitale entre le Parlement et la Mairie me fit s'éloigner des attachements familiaux et c'est avec grande peine que le garde au pont-levis voulut bien s'accorder sur mon identité. Il semble qu'un rasage négligé et le visage coloré d'une saison entière passée à l'aventure eurent bien fait de semer le doute en lui. Quelques instants passèrent avant que les chaînes glacées n'entament leur roulement et que le massif de bois n'atteigne mes pieds. Mes pas y résonnèrent comme ceux d'une lourde botte sur le bois de cale creux d'un nef. Je me trouvais à présent au centre de la vaste cour tandis qu'un garde s'occupait d'emmener mon cheval aux écuries.